Pionnière dans l’accompagnement des femmes enceintes par une approche posturo-respiratoire, médecin et professeur de yoga, Bernadette de Gasquet révolutionne l’obstétrique depuis les années 80.
Qu’est-ce qui vous a amené au yoga et à concevoir cette méthode d’accompagnement des futures mamans?
J’ai découvert le yoga en arrivant à Paris pour mes études. Nous avions l’obligation de pratiquer la gymnastique, chose que je détestais. Mais par bonheur, j’ai trouvé un professeur qui intégrait le yoga à la fin de ses cours. A l’époque c’était tout nouveau. C’est ainsi que j’ai commencé à pratiquer en 66-67 avec les élèves de Van Lysebeth, qui était un des précurseurs du yoga en occident.
Puis ce sont mes deux premiers accouchements qui m’ont amenés à me questionner sur notre manière d’aborder la naissance. Ils se sont déroulés de façon tout à fait contraire à ce que le milieu médical prédisait. J’ai accouché toute seule, sur le côté, rapidement, sans faire le petit chien et surtout sans pousser…
J’ai donc eu envie de travailler aux côtés des médecins et des sages femmes car mon expérience personnelle me disait qu’il y avait des choses à changer dans notre manière de préparer à l’accouchement.
Si aujourd’hui cette démarche d’accompagnement des femmes enceintes paraît acquise, il n’existait à l’époque rien sur le sujet, tout restait à créer.
Une obstétricienne a souhaité que je travaille sur ce sujet et c’est donc au contact des femmes enceintes que j’ai élaboré ma méthode. Nous sommes allées ensemble à la recherche de postures qui pouvaient les aider au fil de leur grossesse. J’étais complètement à contre courant de ce qui se disait et se pratiquait mais j’étais passionnée, pleine de convictions et les femmes me suivaient.
A un moment donné de ce parcours j’ai eu besoin de me sentir plus légitime mais aussi et surtout de vérifier que ce que j’avais pressenti et que j’avançais était juste sur le plan médical. A 38 ans, maman de trois enfants, j’ai décidé de faire des études de médecine. Après 9 ans d’études, je suis devenue spécialiste du périnée. Mon livre bien-être et maternité est paru en 1994. Mon film «le périnée féminin » était paru en 1984…beaucoup trop tôt !
Quelles sont les spécificités de la méthode que vous avez créée ?
Je ne définis pas ma méthode comme du yoga car elle n’englobe en fait qu’une partie de la pratique du yoga. Je ne parle pas de méditation ou de yoga nidra par exemple. Pour moi, c’est une approche posturo-respiratoire. C’est la dimension biomécanique qui m’intéresse. Il s’agit en fait de mettre les postures de yoga au service de la femme enceinte dans un but bien précis : celui du bien- être de la grossesse et de l’accouchement.
Les personnes qui suivent mes formations sont des professionnels de santé ou des professeurs de yoga qui peuvent appliquer ma méthode dans le cadre de leur pratique.
Les clés de ma méthode sont l’écoute et l’adaptation. Je prends toujours un temps en début de cours pour demander à chacune quels sont ses besoins du moment. Chaque maman est différente et il n’y a pas de séance type ou de recette toute prête qui fonctionnerait avec toutes. Le yoga nous offre un panel de choix tellement vaste que nous pouvons toujours trouver quelque choses qui s’adapte aux besoins des femmes.
C’est la même chose pour l’accouchement. Il n’y a pas une bonne position, il s’agit toujours d’écouter et d’adapter.
Vous accordez une importance particulière à la respiration et à la conscience du périnée. Pourquoi ?
Une maman respire pour elle et pour son bébé et la respiration dépend de la posture. Si la posture est juste, la respiration est libre. Nous cherchons toujours à ce qu’elle puisse respirer dans la posture et pour cela, nous avons parfois besoin d’aménager à l’aide d’accessoires comme les coussins de grossesse, les ballons, etc. Le but est d’être dans le confort, de se faire du bien, de trouver de la détente et de soulager les petits maux du quotidien. Il ne s’agit pas de respirations sophistiquées, contrôlées, mais de libérer le diaphragme.
En ce qui concerne le périnée, les sages femmes en parlent parfois lors les cours de préparation à l’accouchement et le yoga l’aborde également avec Mula Bandha. Mais ce n’est pas pour autant qu’il y a une véritable compréhension et intégration de son importance sur le plan anatomique et fonctionnel.
La conscience du périnée est toujours présente dans les postures car il est essentiel de sentir que sa position est fonction de celle du diaphragme et du bassin. Ainsi nous évitons les hyperpressions sur le plancher pelvien et les femmes apprennent surtout à le détendre.
Quel est l’apport du yoga après l’accouchement ?
Il y a une ambiguïté en France dans ce que l’on conseille aux femmes en sorties de couches. Soit il faut vite se remuscler et perdre du poids en faisant des abdominaux et du jogging, soit il ne faut surtout rien faire pendant six semaines, c’est en tout cas ce que l’on préconise souvent en obstétrique. Or pour moi, six semaines plus tard, il est déjà trop tard. Je soutiens que cela commence tout de suite après la naissance, sur la table d’accouchement, mais en douceur.
Je suis passionnée d’anthropologie et lorsqu’on observe ce qui se pratique dans d’autres cultures, on s’aperçoit par exemple que sur toutes les latitudes et dans toutes les religions, il y a des techniques de bandage du bassin pour le maintenir et le remettre en place ainsi qu’une approche particulière de l’alimentation par exemple.
Des exercices de respiration, des mouvements doux, des massages permettent de remettre le bassin et les organes en places pour mieux vivre les suites de couche.
Propos recueillis par Maud Dreyer,
Professeur de yoga prénatal, yogathérapeute,
www.namasteyoga-annecy.fr
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